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Conférence du 15 novembre 2022: « Ensisheim-Réguisheimerfeld, six millénaires d’occupation », par Muriel ROTH ZEHNER responsable d’opérations Archéologie d’Alsace, Fanny CHENAL archéo anthropologue INRAP, Sylvain GRISELIN paléolithicien L


Conférence du 15 novembre 2022: « Ensisheim-Réguisheimerfeld, six millénaires d’occupation », par Muriel ROTH ZEHNER responsable d’opérations Archéologie d’Alsace, Fanny CHENAL archéo anthropologue INRAP, Sylvain GRISELIN paléolithicien L

Conférence du 15 novembre 2022:

« Ensisheim-Réguisheimerfeld, six millénaires d’occupation »

 

Par:

Muriel Roth-Zehner, responsable d’opérations, Archéologie Alsace

Fanny Chenal, archéo-anthropologue, INRAP

Sylvain Griselin, paléolithicien, INRAP

 

Cette conférence, prévue depuis longtemps, avait dû être reportée à cause de la crise sanitaire.

Elle s’est déroulée dans la salle de la médiathèque d’Ensisheim, mise à disposition de la Société d’Histoire par la municipalité, en présence d’un public venu très nombreux.

 

Les trois intervenants ont travaillé de 2017 à 2020 dans le cadre de fouilles préventives menées sur le site de la ZAID.

D’une surface de 44 hectares, elle représente la plus grande zone fouillée à ce jour en Alsace, et a permis la mise au jour de nombreux vestiges de différentes époques, du mésolithique

(-8500 ans) pour la plus ancienne, à l’époque mérovingienne (+600 ans), pour la plus récente. Il y aussi des vestiges de la guerre de Trente ans, mais qui, faute de temps, n’ont pu être évoqués au cours de la conférence.

 

La méthodologie

Au départ de la fouille, un archéologue guide la pelle mécanique qui décape minutieusement le terrain par tranche de quelques centimètres, pour découvrir et conserver in situ les traces d’occupation et surtout du mobilier (les objets); l’équipe peut ainsi délimiter les concentrations d’occupation.

A tour de rôle, et s’appuyant sur de nombreuses photographies, les trois conférenciers ont fait part à un public attentif du bilan de ces fouilles. Ils ont expliqué quelles étaient les techniques utilisées pour dater, répertorier , étudier les éléments recueillis. Des vérifications et études sont aussi menées en laboratoire, en complément des constatations faites sur le terrain, comme par exemple l’anthropologie ou l’étude des squelettes.

 

Sur le site fouillé ont été identifiées des traces d’occupation humaines de périodes très différentes. Nous en résumons ici les principales.

Du Mésolithique au Néolithique (8000/5000 av. Jésus-Christ.):

la fin d’une ère glacière et les débuts de l’agriculture

 

Selon Mr Griselin, après plusieurs épisodes très froids à l’échelle de l’Europe, le climat se réchauffe progressivement, aboutissant à la période tempérée que nous connaissons encore aujourd’hui. Les glaciers qui recouvraient le nord du continent fondent, le niveau des océans monte, entrainant la formation de la Manche et transformant la Grande Bretagne en une île.

A divers endroits de la planète, les groupes humains ont sans doute subi de grands bouleversements: à l’occasion de la journée « portes ouvertes » sur le site de fouilles en 2018, un archéologue nous avait d’ailleurs expliqué que les changements climatiques accompagnés d’inondations étaient peut-être à l’origine des grands mythes tel le déluge…

 

Sur le site de la ZAID, des phénomènes torrentiels ont vraisemblablement provoqué des dépôts limoneux et argileux, qui, par la suite ont été entaillés par l’Ill, qui à ce moment-là n’était pas encore pas stabilisée. Non loin de ses berges se sont installées des populations, dont les traces ont été figées lors de ces débordements qui les ont recouvertes de sédiments, et qu’il est possible d’identifier aujourd’hui au travers des fouilles.

 

Sur environ 4500 ans, la forêt se referme sur le paysage et la faune a change avec l’apparition de grands herbivores (aurochs, cerfs…) et les animaux classiques. L’utilisation de l’arc se généralise pour les chasseurs. Cette période était jusque là assez rarement observée en Alsace (un site à Erstein en 1914 avec une tombe et la grotte d’Oberlarg dans le Sundgau, fouillée dans les années 1970).

 

On constate 5 périodes d’occupation

– 8 500/8000 : nombreux silex en forme de flèches, provenant du Jura et des Vosges

– 7 500/7 000 : les territoires de provenance des silex changent, venant du Jura sud ou de la Forêt Noire. Les tailles sont plus précises.

– 6 500/6000 : les silex reviennent à nouveau du Piémont des Vosges, de la Forêt Noire, du Jura. On trouve des foyers, des occupations peu denses, pas mal d’ossements animaliers, la chasse semble extérieure à la zone. Il y a aussi des sépultures, dont le plus ancien habitant d’Ensisheim (6 300/ 6000).

– 6 000/5600 : les traces sont plus dispersées.

– 5 200 / 4800 :  les silex sont très travaillés. Les découvertes sont reliées en deux concentrations, traduisant l’existence d’un campement plutôt important. On est proche du Néolithique. Des relations avec l’Allemagne et l’Autriche via le Neckar et le Rhin sont supposées de par la nature des objets mobilier.

 

Du Néolithique à l’âge du Bronze (-5000 à -2200)

 

D’autres périodes d’occupation se succèdent, d’abord encore avec des traces d’outils (mésolithique tardif, -5000 ans, le « rubané ancien », « rubané récent ») puis les premières nécropoles (« période du Grossgartach », « culture de Roessen » etc..). De nouveaux artefacts sont identifiés, notamment les poteries, qui aident à la compréhension du mode de vie des populations de l’époque, mais certains objets restent énigmatiques,  leur signification ou leurs usages ne pouvant être expliqués.

Les sépultures (soit, selon les époques, des tombes à incinération ou des inhumations ) sont méticuleusement étudiées.

 

Une partie de la conférence a été consacrée à montrer comment ces vestiges étaient fouillés, analysés, datés.

Mme Chenal explique les différentes méthodes permettant l’identification des ossements et squelettes découverts, selon qu’ils soient déposés en pleine terre ou non (modifications importantes de la préservation), selon leurs positions (foetales ou sur le dos), l’études des bassins (homme ou femme) ou des dentitions (jeunes ou adultes).

La conférencières détaille un peu les corps découverts par ailleurs, sur d’autres sites généralement alsaciens, puis revient à ceux découverts à Ensisheim dans les différentes nécropoles.

Elle précise les différents types de mobiliers funéraires découverts (coquillages, herminettes, ossements, bracelets, fibules etc…).

Il semblerait que les inhumations, selon les périodes, soient généralement orientées NE/SO ou O/E.

Puis les modes changent avec l’apparition probable des premiers cercueils, des troncs évidés.

De l’Age du Bronze à l’âge du Fer puis à l’époque romaine (-2500 / +500)

 

Selon Mme Zehner, les fouilles du XIXe siècle avaient déjà livré un tumulus princier de cette période (les objets mobilier sont exposés au musée Unterlinden à Colmar). Ici, l’étude systématique des restes de tumuli de l’âge du Bronze (-2500/-800) ont permis de compléter ces observations anciennes mettant en évidence de nombreux rites funéraires différents (présence d’un ou de plusieurs individus, dépôt d’offrandes, d’objets de type céramiques, bijoux ou armes…).

 

Les deux périodes de l’Age du Fer (Hallstatt puis Tène, appelée aussi époque gauloise, soit -800 / -50) sont bien représentées avec notamment des monuments funéraires carrés contenant une crémation en leur centre.

 

Pour l’époque romaine , on ne trouve pas ici de grandes et riches villas; la population était rurale et disposait de moyens sans doute modestes. Des bâtiments d’habitation ainsi que des greniers y ont été identifiés. Cette population de l’époque romaine parait aussi s’être organisée autour d’une mare, vestige d’un ancien cours d’eau.

 

Mme Zehner détaille ensuite l’organisation des nécropoles.

51 monuments funéraires ont été mis au jour, totalisant un peu plus de 170 sépultures (inhumations et crémations). C’est le plus grand site en Alsace jamais fouillé !

Elle explique le rite des funérailles qui se déroulait en 2 temps :

– On parait d’abord le cadavre avant de l’amener sur le bûcher, suivi vraisemblablement par un banquet ;

– Puis, quelque temps plus tard (des semaines voire une année), le corps était mis en terre. Etait-il alors regroupé avec d’autres corps ? Là on rajoutait des offrandes, et c’est ce qui est retrouvé par les archéologues.

 

A Ensisheim, certaines tombes sont entourées de palissades. On retrouve plusieurs nécropoles:

– Pour les années -1325/-1100, les tombes sont rectangulaires, plutôt riches en offrandes (bracelets torsadés, épingles) ;

– De -1100 à -950, les premiers morts sont enterrés dans des tombes quadrangulaires, avec des vases de stockage, du mobilier métallique. Certains monuments sont uniques en Alsace avec des céramiques, un service à 29 vases, des parures en verre, des perles et même des petites parures en or (1mm). On retrouve des vases ossuaires.

– De -950 à -800, il y a grands monuments dont un à plusieurs tombes.

– De -850 à -660, les tombes sont en très mauvais état. Mais elles ont aussi livré une très belle boucle de ceinture en cuir.

– De -660 à -600, une tombe (la 205) comprend des bracelets typiques du bassin rhénan, mais mal conservée et peu de restes.

 

Mme Zehner précise encore l’habitat mis en évidence à proximité de ces nécropoles, avec notamment des points de passage matérialisant vraisemblablement leurs points d’accès.

Il y a 69 bâtiments découverts à ce jour.

– Des bâtiments posés sur poteaux, jusqu’à 30 mètres de longueur, ainsi que des petits greniers aériens reposant sur une base de 4, 6 ou 9 poteaux.

– Des bâtiments absidiaux, datés de la fin de l’âge du Bronze et début l’âge du Fer. C’est tout à fait exceptionnel en Alsace.

– Une centaine de silos enterrés, servant à stocker les semences.

 

Enfin, Mme Zehner évoque la découverte de quelques objets mystérieux tels que des croissants d’argile ou d’autres à la forme de tuiles faîtières dont la destination reste inconnue.

 

Conclusion

 

Au final, sur ce site, les scientifiques ont pu identifier pas moins de 25 phases différentes, avec chacune ses modes de vie, ses rites funéraires…

Pour chacune des périodes déterminées, A chaque fois, les chercheurs se sont efforcés de répondre aux questions suivantes:

– qui étaient nos ancêtres ,

– quelles étaient leurs caractéristiques morphologiques

– leur espérance de vie

– leur patrimoine génétique

– étaient-ils malades

– comment subissaient-ils les périodes de crise

– de quoi se nourrissaient-ils ?

– quelles pouvaient être les causes de leur décès?

 

Les fouilles ne sont pas terminées et une nouvelle tranche vient de débuter. Bref, il y aura de quoi tenir probablement une seconde conférence.

 

A la fin de la conférence, le public averti et passionné a posé de très nombreuses questions; les trois intervenants ont à chaque fois satisfait sa curiosité.

 

Comme de coutume, la soirée s’est terminée autour d’un rafraichissement offert par la Société d’Histoire.

 


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