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Conférence du 28 janvier 2020 par M. Patrick Unterstock


Conférence du 28 janvier 2020 par M. Patrick Unterstock

Conférence du 28 janvier 2020, palais de la Régence, Ensisheim,

par M. Patrick UNTERSTOCK

Les usages de l’Ill entre Colmar et Strasbourg

(navigation, pêcheries, moulins).

M. Patrick UNTERSTOCK

C’est dans la salle du Palais de la Régence mise à disposition par la ville d’Ensisheim que s’est déroulée la 1ére conférence de la Société d’Histoire d’Ensisheim de l’année 2020.

Une soixantaine de personnes sont venues écouter la conférence de Monsieur Patrick Unterstock, batelier professionnel et calfat à Muttersholtz.

Dans un premier temps, le conférencier a évoqué le rôle important de la rivière Ill au fil des siècles.

 L’Ill, qui traverse l’Alsace du Sud au Nord, déroule ses longs méandres sur plus de 200 kms, avec un dénivelé de 142 mètres (la hauteur de la cathédrale de Strasbourg), avant de se jeter dans le Rhin (actuellement) à Gambsheim.

Alimentée par 908 affluents, dont les plus importants sont la Largue, la Doller, la Thur, la Lauch, la Fecht, la Weiss, la Lièpvrette, le Giessen, l’Andlau, la Bruche, la rivière est également nourrie dans la région de Sélestat par des résurgences de la nappe phréatique dont la température constante, été comme hiver, est de 10-12° C.

A certaines périodes de l’année, l’Ill est en crue, à d’autres elle peut être à sec et disparaitre en partie dans le sous-sol, et alimenter à son tour la nappe phréatique. En été, à certains endroits, l’Ill est profonde de plus de 4 mètres, à d’autres, le fond n’est que de 10 cm…

A l’époque romaine étaient déjà mentionnées les villes d’Argentovaria (Horbourg-Wihr), Elvetum (Ehl-Benfeld), Argentoratum (Strasbourg), toutes situées sur les rives de l’Ill. Les romains naviguaient donc déjà sur la rivière… essentiellement depuis Horbourg jusqu’à Strasbourg.

L’origine du mot « Alsace » proviendrait du mot « Ill » (« Ell-sass« , le lieu où est assise l’Ill), de même que certains noms de localités (Illzach, Illfurth, Illhausern, Illkirch, Elsau…). Mais cette explication est trop simpliste voire incompatible avec la linguistique.

Au Moyen Age, le commerce y était intense, ainsi que les activités de pêche et meunerie.

En 1332 fut crée la corporation de l’Ancre à Strasbourg, qui regroupait les bateliers.

En 1404, le Syndicat de l’Ill (Illgenossen ou Ilsassen) voit le jour, des chartes de constitution sont élaborées (Illordnung) ; des visites annuelles (Illbesichtigung ), avec procès verbaux, sont alors instaurées en présence des professionnels concernés, des villes et des seigneurs riverains.

Plusieurs villes ellanes possédaient leur Ladhof (bassin portuaire) : Colmar, Sélestat, Strasbourg. Des réglementations se sont imposées très tôt pour prévenir les conflits ou tenter de les régler car les intérêts des différentes corporations étaient bien souvent antagonistes ; il est fait état dans les écrits, de conflits plus ou moins violents entre les meuniers et les bateliers.

En effet, dans le lit navigable, les bateliers exigeaient un passage de 22 à 28 pieds (soit 7-8 m) sans encombres. Ils accusaient les pêcheurs d’entraver l’écoulement normal avec des digues formées de pieux et fascines. Aussi, ils étaient constamment en conflit avec les meuniers qui détournaient à outrance le débit de l’Ill aux biefs en faveur de leurs moulins.

Pour favoriser les activités des professionnels, une organisation spécifique a dû être mise en place pour le nettoyage régulier des berges, le ramassage des objets indésirables (souches, troncs d’arbres..). On a essayé de normaliser les pertuis, d’aménager les écluses, les biefs, renforcer les berges, couper les méandres , installer des systèmes de cabestan…

En ce qui concerne les pêcheries, le poisson était abondant et les espèces variées : des lottes de rivière, barbeaux, anguilles, écrevisses… On pêchait au filet, à la nasse (Wartloff), au carrelet (Sitzberen), avec des digues (Fach), à la balance…

Il existait des droits de passage ou de pontenage et 4 péages perçus à 4 endroits : Illhaeusern, Sélestat, Ebersmunster, Graffenstaden, au profit des villes et des seigneurs locaux.

Au 16ème siècle, le commerce y était florissant ; les marchandises transportées étaient de tous ordres, mais l’Alsace exportait surtout des vins (un foudre ou Fuder strasbourgeois valait 1 200 litres) à destination de la Hollande et des pays Baltes. Un bateau de type rhénan (Lauertanne) pouvait emporter vingt à quarante foudres.

En retour, il était fréquent de retrouver sur les embarcations des produits comme le sel, des étoffes, du fromage ou des harengs.

A l’époque, le voyage entre Colmar et Strasbourg nécessitait 3 jours, mais il fallait 5 jours pour la remonte. Pour cette remontée, les embarcations étaient souvent halées par des hommes équipés de harnais appelés « bricoles », qui devaient s’épuiser à affronter les forces plus ou moins grandes des courants ainsi qu’aux installations de « Tich » où les cabestans étaient sensés faciliter le franchissement de ces seuils d’eau.

La navigation s’effectuait parfois de nuit et était plus ou moins intensive selon les saisons et les évènements (foires de Francfort ou de Strasbourg…).

Au 17éme siècle, après la Guerre de Trente ans, les contrôles de la rivière se sont espacés faute de moyens ; à l’époque, l’enceinte de la ville de Colmar est démantelée, celle de Sélestat est bastionnée… Avec la conquête de l’Alsace par Louis XIV, les échanges avec les pays du Nord européen s’étaient complexifiés en raison des oppositions du royaume de France avec celui du Saint Empire Romain Germanique et celui d’Espagne.

La navigation sur l’Ill s’est cependant poursuivie jusqu’au 19ème siècle avec les services des ponts et chaussées ; le transport des marchandises a ensuite été concurrencé par la construction du canal du Rhône au Rhin et la voie ferrée qui autorisaient des volumes plus importants.

La qualité de l’eau n’a pas toujours été optimale au fil des siècles, car les cloaques des villes, les tanneries, les effluents engendrés par les nombreuses écuries, les déchets de toutes sortes étaient déversés dans les rivières ; certaines espèces aquatiques toutefois pouvaient s’en accommoder…

Mais la pêche professionnelle s’est réduite, surtout après la 2ème guerre mondiale, par l’utilisation massive des engrais chimiques, des produits phytosanitaires, des métaux lourds qui, entrainés par les eaux de ruissellement, se sont révélés progressivement destructeurs des milieux aquatiques…

Dans la deuxième partie de son exposé, M. Unterstock nous fait part de ses activités professionnelles et de ses compétences en matière de construction d’embarcations.

Il est le dernier constructeur de bateaux à fond plat (appelés plates) et perpétue une tradition en voie de disparition. Il a acquis le savoir-faire par la transmission auprès d’un ancien qui le détenait encore, et en reproduisant à l’identique les constructions d’antan. Dans son atelier de Muttersholtz, M. Unterstock construit à la demande des plates de 5 à 12 et même 14 m de longueur.

Lors des nombreuses questions qui lui ont été posées, le conférencier a expliqué qu’il choisissait lui même avec soin les arbres, avant de les faire couper, les faire scier, les faire sécher, avant qu’ils ne deviennent matériaux de construction.

L’essence utilisée est le pin sylvestre, ou le pin douglas, avec certains éléments en chêne. L’étanchéité (calfatage) est réalisée au moyen de roseaux appelés « massettes » (Knoschpe) et du chanvre. L’assemblage est fait à l’aide de clous forgés (autrefois de chevilles en bois). Tous les matériaux utilisés sont de provenance locale.

Certaines des réalisations de M. Unterstock sont utilisées par des particuliers qui ont passé commande, mais il est possible de voir les embarcations à Colmar, notamment dans le secteur de la Petite Venise, ou à l’Ecomusée d’Ungersheim.

Par ailleurs , M. Unterstock propose de Pâques à la Toussaint, au départ de Muttersholtz, des balades sur l’Ill.

Les sorties sont agrémentées d’anecdotes, et d’histoires sur la région, ainsi que sur la faune.

Les coordonnées de M. Patrick Unterstock sont jointes à ce texte.

A l’issue de la conférence et du débat qui s’en est ensuivi, la Société d’Histoire a offert comme de coutume une collation.


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